Faut-il asseoir les bébés ?
Votre bébé est maintenant âgé de 6 mois ou plus, vous êtes tentés de l’asseoir pour qu’il puisse voir le monde autrement ? A la lumière des travaux d’Emmi Pikler, pédiatre hongroise du 20ème siècle, nous allons voir pour quelles raisons il vaut mieux le laisser acquérir cette position seul. Tout d’abord, un petit mot pour vous présenter Madame Pikler. Contemporaine de Maria Montessori, elle est l’instigatrice d’une théorie éducative nommée « motricité libre ». A la demande du gouvernement hongrois, elle créa une pouponnière pour accueillir les enfants orphelins : l’institut Loczy. Les conditions d’accueil instaurées dans cet établissement, étaient particulièrement innovantes pour l’époque. Le fil conducteur de la pédagogie Loczy mis en place par l’équipe étaient le respect du rythme de l’enfant et de ses envies.
Voyons plus en détails les principes fondateurs de la pédagogie Piklerienne :
Laisser libre cours aux mouvements spontanés de l’enfant.
L’incapacité à se mouvoir et les incitations trop précoces à accomplir des gestes non maitrisés par l'enfant, retardent son développement ou son autonomie.
Préconisation de l'observation et accompagnement des jeunes enfants par la création d'un cadre de vie stimulant et sécurisant (physiquement et affectivement). Sans que l'adulte interfère dans les apprentissages.
Les temps de soins sont des moments privilégiés avec l’enfant. Par leur qualité, ils permettent de développer la sécurité affective.

Pour Emmi Pikler, mettre le bébé dans une position qu’il n’a pas acquise, c’est l’empêcher d’apprendre à connaître son corps et à l’utiliser. S’il se trouve bloqué dans une position statique, le petit d’homme ne se muscle pas.
Nous avons l’habitude de voir des enfants assis et calés par une montagne de coussins. Cependant cela ne constitue pas un soutien suffisamment fiable pour le dos. Pour sortir de cette position inconfortable, le tout-petit n’aura pas d’autre choix que de tomber en arrière ou sur les côtés. Ce qui peut être plutôt effrayant ! Avez-vous déjà fait ces exercices de team building, durant lesquels vous devez faire confiance à votre partenaire et vous jeter dans le vide, tout en espérant qu’il vous rattrape ? Personnellement, il me faut bien quelques minutes et une prière au Peanut Butter avant d’accepter de jouer le jeu… !
Pour ne rien arranger, le tout-petit est figé dans une position jambes écartées. Il ne peut ni les rapprocher, ni plier les genoux, ni bouger les orteils. Il est comme coupé en deux parties indépendantes l’une de l’autre, avec un tronc et des jambes dirigées dans des directions opposées (horizontale et verticale). Dans un état de grande tension, certains enfants se trouvent plus assis sur la fin de leur colonne vertébrale (région lombaire), que sur les fesses. Cette crispation finit par gagner les jambes et peut occasionner des crampes jusqu’aux orteils. Aïe ca doit faire sacrément mal, vous ne pensez pas ?

Pour limiter les risques de chute, votre enfant va réduire les mouvements de sa tête à leur strict minimum. Sa coordination main/œil est également limitée. Cela joue sur la précision de sa main (outil d’exploration par excellence pour Maria Montessori !). Peu sûr de lui et entravé, il doit se résoudre à demander l’aide d’un adulte pour faire son travail de découverte.
Il est tellement focalisé sur son ressenti interne, qu’il est beaucoup moins sensible à tout ce qui l’entoure. Crispations et douleurs musculaires prennent le pas sur les expériences sensorielles. Et il n’exploite pas tout le potentiel de ses 5 sens… quel dommage !
Finalement, il se coupe de son environnement. Les objets glissent et il n’a plus la possibilité de les atteindre. L’ennui le gagne, il se lasse. Il cherche l’attention de l’adulte, pleure dans l’espoir que l’on vienne le délivrer de cette position inconfortable.
Ces incitations trop précoces à la position assise peuvent aussi interférer dans l’exploration de l’espace. Comme les déplacements sont restreints, le petit-d’homme ne peut ni mesurer l’espace, ni le visiter avec le corps en mouvement. Il subit les déplacements autour de lui et ne peut intégrer la notion de proximité avec l’autre ou les objets. Des signes de craintes peuvent subvenir lorsqu’un autre enfant s’approche trop près de lui. Puisqu’il n’a pas la possibilité de se défendre seul.
Inconfortable physiquement et psychiquement, le bébé est vulnérable.
Nous avons vu l’importance de libérer le corps des bébés, et pas seulement de leurs transats et divers objets de puériculture. C’est par le mouvement que le tout-petit fortifie son dos et apprend à connaitre son corps, son environnement. Laissons-leur cette chance d’explorer, de toucher, de rouler, de ramper et d’être acteur dans l’acte de grandir !